Le risque présenté par de prétendus "débouchés professionnels"

Ces risques sont essentiellement de deux natures :

le risque presenté par certains organismes de vente "multi-niveaux"

La difficulté de prendre en considération le ressort économique pour éclairer et décrire le risque de dérives sectaires tient au fait que l’approche classique du phénomène sectaire privilégie le postulat d’une faiblesse humaine antérieure au processus et à la responsabilité particulière d’un leader dans la prise en charge de cette faiblesse.

L’examen des fondements et des modes de fonctionnement de certaines sociétés commerciales qui inscrivent leur mode d’exploitation dans la logique et dans le cadre d’activité de la « vente multi-niveaux » nous donne un contre-exemple frappant en termes d’approche méthodologique.

Quel est donc le processus qui va conduire une société se présentant comme entreprise de vente directe à dériver vers un fonctionnement commercial à caractéristiques sectaires

 Ce processus correspond à une stratégie d’intégration dans le réseau de la « personne-cible » qui  comporte objectifs  et des étapes à franchir

LES OBJECTIFS

                     Le premier objectif des réseaux présentant un risque de dérives sectaires  est de faire accepter un concept axé sur la promotion d’un catalogue de produits et de services bien souvent présentés comme apporteurs de « bien être », cette notion pouvant devenir à la fois une notion idéologique et une proposition de vie globalisante. Cette proposition de vie « alternative » est susceptible de conduire à être persuadé que  consommer, vendre, intégrer le réseau, s’affranchir de modes de vie antérieurs, y compris décider de quitter son environnement initial   forme un tout et que le bonheur, finalité mise en avant s’atteint par une implication globale dans le « système ».
                        Le terme « global » a  une très grande importance. La notion de « santé globale » est un exemple révélateur de l’usage expansif de cette notion. Le client est « invité «  à devenir distributeur puis « parrain » de nouveaux clients ou « prospects » appelés à leur tour à devenir distributeurs au nom de l’idée selon laquelle les choix de vie pour atteindre le « bien-être » conduisent à considérer que le corps, la famille, l’esprit,la vie matérielle et l’aisance financière et enfin  la société forment un tout et que mener cet ensemble vers un « niveau  supérieur de bien-être » implique un engagement croissant dans le réseau.

Cette « philosophie » vise à marquer la réflexion, l’engagement commercial et l’implication totale sont une « opportunité commerciale puis une « opportunité de vie », puis enfin une « opportunité pour la vie ».

Délaisser l’un des facteurs de l’existence énumérés ci-dessus conduirait à échouer dans « la réalisation de soi » et dans la protection de son équilibre tant physique que psychologique. Il est aisé d’imaginer que chacun des « prospects » à qui est proposé ce challenge ne réunit pas a priori la totalité des fondements existentiels énumérés – bien être du corps, bien-être de la famille, bien être de l’esprit…- Plus il manque de composants au prospect, éventuel futur distributeur et plus le réseau amène celui-ci à focaliser sa pensée sur  l’espoir et la  croyance  que les difficultés de vie  qu’il endure sont  dues au manque de l’un des ingrédients de la réussite et du bien être promis par le concept  et que ce manque provient de l’incapacité de la société à lui apporter les bases et soutiens nécessaires .
Il se profile ici deux des critères généraux  d’appréciation du risque sectaire : la rupture avec l’environnement d’origine et le discours anti-social.
        
                   Le deuxième objectif est de convaincre le prospect de l’existence d’une « solution alternative totalisante » capable de se substituer à la société en ce sens que cette « solution » donne un sens à la vie en harmonisant vie personnelle vie affective, vie sociale, vie professionnelle grâce à la création de bien-être induite par l’entreprise de vente multi-niveaux, son mode de fonctionnement et la place que celui-ci réserve à ses membres et les produits et services diffusés.
L’entreprise joue ainsi le rôle d’une société de substitution dans laquelle le nouveau venu va être intégré grâce à un long processus marqué par des étapes successives visant une implication croissante , cette implication exposant le consommateur initial à s’insérer dans un réseau commercial apporteur de réponses à « toutes les questions existentielles ».

                     Chacune des sociétés posant problème au regard du risque sectaire  procède selon des schémas comparables. La description qui suit  d’un processus d’intégration alternatif est destinée à mettre en valeur les constantes et caractéristiques communes aux unes et aux autres.

                      La cohérence du schéma tient à l’intention de tout mettre en œuvre pour influencer négativement (invitation à la rupture) et positivement (invitation à l’engagement croissant) la pensée du prospect. Les outils utilisés sont l’image et plus tard les grands rassemblements valorisant les meilleures « réussites » au niveau commercial et de valorisation de l’enseigne. Nous sommes dans l’exploitation des ressorts de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « intelligence émotionnelle »  capable à la fois de conduire à « rompre » et à « fusionner ».
                      L’impact émotionnel doit être assez puissant pour amener la personne recrutée par le distributeur à considérer  qu’il existe une voie alternative et merveilleuse apte à tout transformer dans la vie de celui ou de celle qui accepte de rejoindre le « réseau ».

 

ESSAI DE MODELISATION DES ETAPES DU PROCESSUS D’EMPRISE

Voici donc les étapes que l’animateur, à la fois recruteur et délégué local ou régional du réseau va être conduit  à développer devant ses consommateurs futurs distributeurs :

Première étape : une opportunité pour créer une vie nouvelle pour soi et les autres.

                            Au-delà de la cible initiale que représente le consommateur acceptant de participer à une réunion d’information (qui sera suivie très rapidement d’autres rencontres), c’est donc bien l’entourage familial et professionnel de la cible qui est visé. Cet entourage acceptera ou pas d’ »entrer dans le jeu ». Ainsi se créera un clivage entre ceux qui « jouent » et ceux qui refusent. Ceux ci ont « le choix » entre ne rien vouloir voir et changer ( personnes à dévaloriser), ceux qui croient connaître une meilleure voie (les rêveurs) et ceux qui adhèrent à « la solution » de la société de vente multi-niveaux (SVMn) pour une vie harmonieuse.
                           La « SVMn » propose donc de donner la possibilité d’établir une activité commerciale qui durera toute la vie (quelle est l’entreprise capable de faire une telle proposition dans une économie de marché) et qui peut même passer de génération en génération entant qu’avoir essentiel pour la famille et les proches.

L’argument est le suivant : nul besoin d’embellir le concept avec des commentaires supplémentaires. Les mots et les images caractéristiques du concept suffisent pour amener les gens à réfléchir. Dans le cadre de cette première étape, l’animateur va se présenter sans dérouler une véritable biographie

Deuxième étape : l’évacuation des hésitations et réticences 

 La cible  s’interroge sur les raisons de sa présence. Il  est en effet venu sur « invitation » bien souvent pressante d’un « parrain ». La réunion peut  réserver quelques surprises comme des  évènements inattendus et  éventuellement contraignants. L’animateur dessine le cadre et donne des repères pour que chacun se sente à l’aise et comprenne la raison d’être de la réunion. Il a pour directive d’indiquer des raisons importantes pour tous  et une réponse aux aspirations de chacun :
                   - un revenu complémentaire, préoccupation commune à la plupart des profils de personnalités
                   - la santé de la famille (important pour les personnes soucieuses de leur famille et de leur vie privée susceptibles d’acheter les produits pour les redonner à leur entourage . Elles sont considérées  comme ayant besoin d’énergie et d’argent pour assumer leur charge de famille et leur rôle de protecteur.
                    - une capacité de prévoir l’avenir, attitude qui caractérise ceux qui vont poser beaucoup de questions parce qu’ils ont besoin de « tout comprendre » ,qui agissent d’initiative et entreprennent ce qui nécessaire à leurs yeux pour éviter stress et inquiétude. Il faut pour ces personnes des chiffres et des détails.
                    - une information alléchante sur l’ « opportunité commerciale » proposée à ceux qui ont déjà compris que l’enjeu n’est pas seulement d’acheter et de promouvoir mais de vendre et de recruter.
                    - une allure de challenge pour ceux qui imaginent être des « joyfull-winners ».

Troisième étape : la gestion des enjeux de la réunion d’information

                               Compte tenu de la diversité des profils des personnes-cibles invitées à la réunion d’information puis par la suite aux réunions et séminaires d’entraînement, de formation et de progression dans les « grades » de la structure  commerciale multi-niveaux, il va s’agir de dépeindre une situation d’amélioration de vie et de promesse de réussite matérielle et morale, personnelle et professionnelle dans laquelle chacun peut se reconnaître :
                       -avoir un avenir meilleur en consacrant d’avantage de temps à sa famille (antinomique des situations de fait rapportées à la Miviludes révélant des cas de rupture avec l’environnement familial dans un contexte de sur- engagement au sein du réseau) et en obtenant des revenus plus importants ( en contradiction avec la situation matérielle et financière de distributeurs des niveaux de base).
                        - avoir une vie plus saine, voire plus longue
                        - atteindre un équilibre personnel supérieur et voir son stress diminuer
                        - pouvoir mieux gérer son avenir

Quatrième étape : faire accepter les changements de mode vie liés à l’activité commerciale

                
                                   L’animateur de la « réunion d’information » et ceux des niveaux ultérieurs d’intégration mettent à profit cette réunion de présentation de l’activité commerciale pour présenter la dimension et la portée des changements de vie que le futur distributeur  va tout naturellement connaître du fait de son choix de saisir l’ opportunité commerciale » qui lui est « proposée » :
- une activité exceptionnelle et enthousiasmante,
- un business qui ne peut que se développer en raison des mécanismes de recrutement, de progression, d’ »intéressement »(des barèmes de rémunération théorique sont assénés),
- la solution aux problèmes d’argent ,
- la « valeur inestimable du bien être »
- et l’émergence d’ « une foi dans le bien-être ».

Cinquième étape : les « Pourquoi » du besoin de changer de vie

                                     Le changement radical proposé est à la hauteur des défis de la vie moderne : tout le monde a connu ou connaît des problèmes de gestion du temps, de contraintes professionnelles incluant le harcèlement et le stress, de régime alimentaire, de sommeil, de difficultés relationnelles…

Il est fait le constat que de nombreuses activités se sont tellement développées qu’elles ont saturé des marchés spécifiques comme celui de la téléphonie, de l’alimentation saine, de la santé, de l’activité de détente. Il s’agit de rompre à la fois avec ce monde fait de saturations et avec la dichotomie consommateur -acteur économique (producteur, financeur, distributeur). Objectif : atteindre le « tout en un ».

Sixième étape : le « Comment » du changement ou « l’opportunité pour la vie »

Il existe une « opportunité pour la vie ».

Elle répond au besoin de réussir socialement, personnellement, de réduire ou supprimer le stress, de « manager » sa vie. Pour tous, oui, pour tous, la réponse est dans l’intégration d’un réseau de vente-multiniveaux..

Pour quelle raison ?

Parce qu’intégrer toutes les facettes de sa vie dans un « dispositif alternatif global » fait gagner du temps, économiser de l’énergie, permet de réduire les frais d’installation dans une activité professionnelle lucrative et les démarches administratives (hors champ juridique dans de nombreux domaines…).

Les étapes qui vont suivre sont toutes prometteuses :
- commencer sa prospection de clientèle par son cercle familial et amical,
- puis poursuivre par son environnement professionnel
- puis cibler les consultants d’autres sociétés de vente comparables sur le terrain concurrentiel (le bien-être, la santé et le développement personnel sont des domaines loin d’être saturés !).

C’est à ce moment de la progression vers l’intégration du nouveau venu  qu’apparaît un changement de ton qui va se confirmer et se raffermir par la suite :

« Il n’y a aucune limite à vos possibilités de réussite. Les efforts et le dévouement vont vous permettre de concrétiser des opportunités à l’échelle nationale et internationale. Il s’agit d’une opportunité pour la vie qui repose sur un catalogue de produits dont le potentiel pour changer la vie des gens est illimité et lié à la meilleure opportunité commerciale existante. ».

Septième étape : Une osmose totale   entre le « réseau » et son fondateur, exemple parfait de la réussite

                                          Arrive le moment de présenter la société, son fondateur auréolé de toutes les qualités qui vont plus tard servir de repères intangibles pour la détermination d’un « comportement d’intégrité » au sein du réseau, l’expérience de ce fondateur qui lui a fait rencontré une difficulté essentielle de la vie qu’il a surmonté en découvrant la solution qui est proposée aujourd’hui au futur distributeur (la nécessité est mère de l’invention).  L’avenir de chacun est alors dans la recherche de ressemblance avec ce fondateur

La société a  une durée de vie suffisante pour attester de sa stabilité et de sa capacité de croissance. Ceci est vrai au plan international (où les ennuis administratifs et judiciaires ont pu déjà surgir), plus rarement le cas en France où le concept se développe si vite que les « prospects » manquent de tout repère.

 La réussite de la société s’explique  par le seul fait que de plus en plus de personnes ont besoin de son concept (de bien-être ou de développement personnel) pour exercer une « influence positive » sur leur vie.

Huitième étape : l’auto proclamation de l’efficacité du réseau et de ses produits

                                               Un capital de crédibilité et de notoriété aurait été accumulé par le réseau , affirment les recruteurs au cous des réunions d’information puis de « formation ». A l’appui de leurs affirmations, ils citent quelques noms d’ « « universités » ou de « centres de recherche privés étrangers » aux ressources documentaires desquels le réseau a bien sur accès, tout particulièrement lorsqu’il a réussi à s’introduire dans le panel des financeurs. Ainsi se fait le lien entre ambition de propager le bien-être, argumentaire au service d’ « une philosophie fondée sur quelques principes fondateurs » et les concepts protégés par des droits de propriété intellectuelle dans les mains des fondateurs du « réseau » et « éprouvés » par des partenaires de celui-ci

Ces droits de propriété intellectuelle vont servir de fondements tout à la fois aux  formations, à la gestion des progressions  individuelles des vendeurs (statut, niveau de rémunération,…),  aux  incitations à vendre et à recruter d’avantage  et à la détermination des  modes opératoires de la  « promotion interne ».

 C’est dans cette interdépendance que peut naître la « mise en état de sujétion ». Car la menace réside dans l’écart qui va se produire entre un discours simple sinon simpliste et la réalité de l’intégration dans le réseau.

Comment cela va-t-il se dérouler ?

La clef de la  « philosophie » du réseau est présentée comme un équilibre simple, un concept qui attire et plait à tout le monde et que chacun aura à cœur d’atteindre s’il a le sens de l’honnêteté et de l’intégrité. Les fondateurs et dirigeants du réseau expliquent donc que  s’appliquant à eux même les principes de base qu’ils ont édicté  et en donnant aux notions d’ « honnêteté » et d’ « intégrité » le sens qu’ils entendaient lui donner au nom de l’objectif de développement du réseau multi-niveaux, ils  sont parvenus au niveau auquel chacun les découvre (Réussite, richesse, reconnaissance,…) . Or la réalité est toute autre. C’est ainsi que nous pouvons faire apparaître un détournement de sens de valeurs morales par le moyen de « neo langages » dans la pratique de recrutement et d’intégration des personnes cibles dans le réseau.

  Neuvième étape : La « vision » du réseau et l’engagement des « vrais gagnants dans la vie »

                                                  Ainsi donc, la « vision énergique » des dirigeants va servir de boussole pour que chacun atteigne cette « vision » qu’il convient de dater. Imaginons un recrutement 2008 et une « vision 2012 ». Un laps de temps perceptible par tous, des enjeux quantifiables, une pression acceptable et des objectifs quantitatifs faciles à fixer au regard de la progression  des « grades ». Cette vision viendra en aide à des millions de personnes et une dynamique mondiale « pour ceux que cela intéresse » va ainsi pouvoir être engagée. Ceux que cela intéresse deviennent alors  de « vrais gagnants dans la vie »

                              

Dixième étape : la formalisation de la « vision » et la promesse d’un « destin de réussite »

                              
Cette « vision » propre au réseau  consiste à mettre en valeur le lieu idéal de promotion des produits, point de départ de l’engagement comme distributeur  et plus encore comme bénéficiaire d’une « opportunité commerciale ».

 La promesse annoncée est celle d’un  accès à une nouvelle vie au titre d’une « opportunité pour la vie ». Ce lieu idéal, c’est le domicile où vont se confondre vie personnelle, vie familiale et vie professionnelle. C’est l’endroit où l’on peut  ressentir les plus grands bienfaits sur notre bien-être. Les gens ont besoin du meilleur pour eux même et leur famille. C’est chez eux qu’ils seront les plus réceptifs. C’est ce que le réseau commercial offre et « c’est ce message auquel ils doivent croire et souscrire ». Le meilleur produit du réseau n’est autre que l’activité commerciale elle-même. S’installe ainsi dès le départ une confusion de statut entre client et distributeur. Cela peut et doit être la même personne. Cette activité peut faire la différence qui changera une vie mais peut ne pas convenir à tout le monde.

Il s’agit de profiter des faibles coûts d’exploitation en raison du travail à domicile en tant que distributeur à domicile sans contrat de travail avec pour seul lien contractuel un « contrat d’opportunité commerciale » (C’est l’une des dénominations couramment rencontrées). La progression individuelle et l’intégration quasi-obligée  va passer par l’imposition de l’idée que ce fonctionnement commercial permet de se débarrasser des intermédiaires – grossistes, intermédiaires, détaillants, sociétés de vente par correspondance ou par Internet-.  Ainsi, le « client- futur distributeur » peut créer des équipes d’utilisateurs des produits (en commençant par sa famille, ses collègues de travail, ses relations proches) et de créateurs d’entreprise en tant que lien direct entre le producteur et le consommateur.

Ainsi va se former un groupe spécial de personnes qui utilisent des produits exclusifs (et qui potentiellement peuvent exclure ce groupe de l’environnement d’origine), produits exclusifs partagés par des utilisateurs enthousiastes  qui vont les recommander à leurs connaissances.

Onzième étape : la question de la rémunération                                                     

« Que vais-je gagner en transformant ma vie jusqu’à la bouleverser complètement ? » se demande le prospect devenu membre du réseau.

Les  promoteurs du réseau vont présenter des chiffres de rémunération  « théoriques ». Dans les séances de formation qui  sont destinées aux nouvelles recrues,  il leur est expliqué que « personne ne pourra lire les chiffres affichés » et qu’ils ne doivent même pas expliquer le système de rémunération durant la réunion d’information. Le message à faire passer est que le programme peut offrir quelque chose à tout le monde. Puis l’on revient aux gains escomptés : pas d’intermédiaires, donc un programme de paiement qui garantit que l’argent va aux « distributeurs » ou « consultants » en bien-être ou en développement personnel. Cet argent récompense l’activité à temps plein comme l’activité à temps partiel. Se profile ici l’idée qu’il pourrait y avoir un jour nécessité de passer au temps plein, donc de quitter son emploi. Le potentiel est infini. … Alors, pourquoi ne pas y penser dès maintenant !

Et arrive la question de savoir s’il existe un âge limite. La plupart des sociétés de ce type fixent un âge de début (l’âge de la majorité pour chacun des pays d’implantation) mais indiquent en même temps qu’il n’existe aucune limite supérieure d’âge, donc pas de problématique « retraite ». Ici surgit la question de la nature du contrat qui lie les personnes entre niveaux du réseau et force est de constater qu’il ne s’agit ni d’un contrat de travail ni d’un contrat commercial mais d’une « opportunité commerciale ». Et toujours en ce qui concerne la liberté d’accès au réseau,il est souvent indiqué que « les femmes réussissent autant que les hommes » et que « la réussite ne dépend ni des croyances religieuses ni des origines ethniques ».

 Douzième étape : la confirmation de la promesse de « réussite »

                                                   C’est l’étape de la «démonstration » que chacun peut devenir manager d’équipe et chef d’entreprise. Cette démonstration repose sur l’affirmation que  le développement des équipes et leur soutien (c'est-à-dire l’élargissement de la base des consommateurs futurs distributeurs) permet d’augmenter sensiblement les revenus mensuels non pas seulement grâce au « bonus personnel »  mais également grâce au « bonus d’équipe ». Viennent ensuite des exemples de réussite soigneusement choisis et révélateurs de résultats « instantanés » et non pas échelonnés sur une longue période. Il s’agit de « créer quelque chose de puissant que tout le monde comprend » même s’il faut pour cela « changer les histoires » des personnes prises comme exemples Apparaît ici ln phénomène bien connu de la caractérisation de certains  phénomènes sectaires : les « faux souvenirs » ou la « mémoire revisitée ».

Treizième étape : l’appel à l’engagement dans le réseau

                                                    Voici venu le moment de décrire les modalités d’engagement incluant les stades de « formation » et de « soutien ». C’est à ce moment que le représentant du réseau  va vanter les mérites de l’ « activité » et de « l’éthique » du réseau. Le réseau soutien tout le monde et en tout premier lieu celui ou celle qui a conduit l’auditeur à la réunion d’information. Le futur recruté peut donc avoir pleinement confiance. Les formations  qui vont être proposées  forment « un ensemble » indissociable. Il s’agit de s’y inscrire immédiatement que la personne signe ou pas , le soir même le « contrat » qui  la plupart du temps de porte pas ce nom mais celui de « document d’opportunité commerciale » ou une dénomination similaire. La première « formation » est destinée selon les réseaux  à « apprendre à se défaire de ses anciens bagages », à rompre avec son histoire, son passé, à  changer sa vie. Car rien ne changera si la personne n’accepte pas de « changer ». Cette annonce déterminante et incontournable est le moment de dramatisation indispensable pour obtenir le consentement de l’auditeur, l’amener à signer un « document d’engagement » bien souvent sans valeur contractuelle, à prendre les premières commandes de produits et à s’engager sur la voie de la distribution. Rien ne sera exigé. IL s’agit pour les intervenants de faire passer le message que l’occasion de changer sa vie est là, qu’elle pourrait ne pas se représenter, que « chacun est  libre ».
 

  Quatorzième étape 
                                   

                                                    C’est pourquoi l’ « accrochage » du prospect  se déroulera en deux temps : celui de la découverte d’un « système de valeurs » fondé sur le triptyque 
                                                     - un réseau qui avant d’être un business est une chance pour chacun (c’est à chacun de la saisir ou pas) et une occasion unique d’accéder à un processus de « développement personnel »
                                                      - un test de fidélité à ceux qui ont offert au prospect cette chance unique. Refuser l’offre sera bien d’avantage une trahison du parrain qu’un refus d’une offre commerciale .Car ce qui compte n’est pas de consommer mais de propager l’idée de bien-être dont le vecteur initial est la gamme de produits

                                                       - une progression de vie qui prend appui sur des rencontres entre niveaux, des occasions uniques de rencontrer les grands noms du réseau et peut-être un jour les fondateurs « à qui chacun doit tant »

 

      L’accession aux  « niveaux », « grades » ou « rangs supérieurs  et donc à une vie meilleure est un leitmotiv asséné sans cesse par le moyen d’objectifs imagés, de rêves détaillés ( voyages pour les « Top 10 » « Top 20 » ou « Top 50 », formations au recrutement de distributeurs, rencontres européennes et internationales avec les dirigeants…), intéressements financiers gérés selon un calendrier très strict permettant de tenir le réseau sans faille . Par exemple le « distributeur » à qui l’on suggère très fortement de suivre de nouvelles formations et de nouvelles acquisitions d’ouvrages et de « kits » de référence se voit proposer des prix spéciaux s’il accepte des échéances définies à la semaine près. Cela doit correspondre exactement au temps écoulé entre la signature du « contrat » initial et la mise en confiance optimale nécessaire pour l’amener à penser de lui-même que cette formation est une étape naturelle et primordiale, et ainsi de suite de formation en formation. C’est sur ce schéma que l’accroissement des exigences financières et en termes de temps consacré à la « vie du réseau » prennent appui. C’est aussi sur cette logique de progression que vont prendre place peu à peu des animations fondées sur des « techniques psychologisantes » qui font régulièrement l’objet d’interrogations auprès de la Miviludes.

     Les  « niveaux », « grades » ou « rangs » s’organisent et se succèdent à partir du calendrier d’utilisation de « concepts psychologisants » dont l’utilisation est impérative pour susciter l’acceptation de la progression. A partir d’un certain niveau, les « points » attribués au distributeur ne suffisent plus. Il s’agit d’accéder à l’étape du recrutement par le distributeur de nouveaux distributeurs. Leur nombre est croissant et proportionnel au rang atteint.
    
 En guise de conclusion, le témoignage suivant reçu à la mission interministérielle peut éclairer l’enjeu de l’analyse du risque de dérives sectaires  dans le cadre des réseaux de vente multiniveaux :

 «  Famille, amis, connaissances, s’il y en a, tous ont vu la bizarrerie du système sauf vous. Avant d’entrer dans le réseau, vous vous sentiez perdu et dévalorisé. Après l’avoir quitté, vous vous sentez minable. Vous vous sentez en porte à faux entre la crédibilité de vous-même aux yeux des autres complètement anéantie pour la presque totalité de ceux que vous avez contacté et entre une sensation de culpabilité envers le réseau , la société, le parrain, le leader que vous avez trahis et pour qui vous êtes sortis du rang des « adeptes » et regardé comme quelqu’un – si ce n’est quelque chose de stupéfiant et de spécieux. Vous ne pouvez pas leur faire valoir votre lucidité car votre vérité n’est étayée ni par une action en justice victorieuse ni par une reconnaissance de votre témoignage dans toute ses dimensions et avant tout dans la dimension « abus de confiance ».

Et plus loin dans le même témoignage :

« Je comprends mieux maintenant les réticences à porter plainte et la difficulté d’être cru d’autres catégories de victimes qui aujourd’hui sont reconnues comme telles ».

 

le risque presenté par l'offre de formation aux pratiques non conventionnelles a visee therapeutique

Depuis quelques années se sont multipliés quantité de dispositifs qui, insuffisamment contrôlés, décernent au prix fort et, souvent, à l'issue de cursus rapides, des « diplômes » ou des « certificats » dénués de toute validation scientifique mais présentés comme qualifiants pour exercer un métier de thérapeute. On ne compte plus en effet les myriades d'instituts, d'écoles, de facultés libres, de centres, de cours par correspondance proposant tous des formations dites « qualifiantes » supposées donner accès efficacement et rapidement à des professions nouvelles, vantées comme humainement valorisantes, rémunératrices, pourvoyeuses de santé et/ou de bien-être.

Dans le domaine de la formation on dénombre aujourd'hui près de 4 000 offres sur le marché de la santé sur un total de 60 000 organismes de formation (chiffres communiqués par le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé), pour des centaines de méthodes à visée thérapeutique. Cette foire aux formations en pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) déverse chaque année sur le marché du soin des milliers de nouveaux praticiens, parfois « formés » en quelques dizaines d'heures, et dont les compétences supposées et revendiquées n'offrent à l'usager aucune autre garantie de sécurité et d'efficacité que celle qu'ils proclament eux-mêmes.

Il est probablement impossible d'expertiser et de contrôler chacun de ces milliers d'organismes. Toutefois, en particulier du fait des risques patents de dérives sectaires dans le domaine de la formation, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé a engagé le renforcement des moyens de contrôle des organismes qui demandent à l’être.

Certaines des doctrines, des théories, des pratiques enseignées peuvent relever de la pure fiction, parfois même du délire, contribuant à la diffusion de PNCAVT dangereuses. Une telle situation est d'autant plus paradoxale et inquiétante que le système de santé officiel est rigoureusement réglementé aussi bien pour ce qui concerne les professions que les actes thérapeutiques et les produits utilisés ou prescrits, les formations, les titres délivrés.

On sait combien il faut d'années d'études, d'examens, de contrôle des connaissances pour pouvoir accéder à une profession de santé réglementée et s'y maintenir. On peut se référer aux lois, procédures, codes de déontologie, Ordres professionnels et organismes de contrôle publics, mis en œuvre afin de veiller, dans toute la mesure du possible, à la qualité et à l'innocuité du système de santé. Et sans doute parfois ces contrôles sont-ils insuffisants ou perfectibles.

Établissements à vocation avant tout commerciale, les organismes de formation aux PNCAVT ne manquent pas de proclamer la supériorité des méthodes qu'ils enseignent sur celles de leurs concurrents, avec lesquels il ne faut surtout pas les confondre, et sur celles de la médecine conventionnelle. Ils dénigrent les traitements qu'ils estiment proches des leurs comme autant de piètres copies inefficaces et dangereuses. Ils mettent en garde solennellement à l'encontre des supposés usurpateurs qui s'affubleraient des titres de praticiens qu'ils délivrent, sans être passés par leur prestigieux et indispensable enseignement. Cette pratique classique de dénigrement est une tentative habile et commercialement judicieuse pour convaincre du "sérieux" de la méthode et en faire la publicité.

De nombreuses structures juridiques, professionnels libéraux ou travailleurs indépendants  inscrivant leur activité dans le cadre d’exercice des établissements d'enseignement supérieur  libre ou dans le champ de  la « formation professionnelle continue », et ce en particulier dans le domaine de la santé, non seulement s'autorisent à professer « n'importe quoi » en termes de contenu, mais aussi à « former » des personnes à des pratiques de nature à les exposer, une fois installées, à la législation réprimant l'exercice illégal d'une profession de santé. Certains dispositifs de formation vont jusqu'à fournir à leurs étudiants les recettes, les dissimulations, les formulations qui devraient leur permettre de ne pas être inquiétés.

Il n'est pas rare que les dispositifs de formation aux PNCAVT cherchent à entretenir la confusion quant à la "reconnaissance" dont ils prétendent être l'objet. Ainsi, la simple déclaration en préfecture à laquelle ils sont astreints est souvent présentée dans des termes qui laissent penser qu'il s'agit d'un agrément ou d'une validation de la part de l'administration, ce qui n'est en aucune façon le cas.

Certains praticiens, certains formateurs se défendent de relever du domaine de la santé en déclarant se situer exclusivement du côté du bien-être, du confort des malades. Cette posture est plus facile à énoncer qu'à prouver en termes de pratiques.

L'offre de formation aux PNCAVT occupe aujourd'hui une place importante au sein des dispositifs publics de formation, de réinsertion ou de reconversion professionnelle destinés aux salariés du monde du travail. Cette offre attire aussi des personnes sans qualification qui souhaitent créer leur propre emploi.

Cette situation se traduit notamment par le fait préoccupant que d'importantes sommes d'argent public et privé destinées à la formation professionnelle, sont détournées de leur vocation au profit d'organismes douteux dont les enseignements, de surcroît, favorisent implicitement la pratique du charlatanisme et de l'exercice illégal d'une profession de santé.

En définitive, il peut être relevé que les règles qui régissent aujourd'hui l'enseignement supérieur libre et la formation professionnelle, en dépit des améliorations récentes (cf. loi du 24 novembre 2009), sont sans doute encore insuffisantes pour faire face à l’ampleur des risques avérés ou potentiels de dérives thérapeutiques et de dérives sectaires que comportent l'enseignement et l'exercice des PNCAVT.

On peut ainsi faire état de ce paradoxe selon lequel l’enseignement de pratiques non validées et dangereuses n’est pas interdit, mais leur exercice, en revanche, est souvent passible de poursuites judiciaires pour diverses infractions, cependant rarement engagées par les personnes qui en sont victimes.

La Miviludes accompagne d’une part l’action du groupe d'appui technique (GAT) interinstitutionnel placé depuis fin 2009 auprès du Directeur général de la santé, et d’autre part le travail de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Elle tient à encourager ces services ainsi que les autres administrations chargées à des titres divers de la protection de la santé publique, de la formation professionnelle, de l’emploi et de l’application au sens large du code du travail, à développer des « pôles de compétences » en leur sein pour intervenir dans le domaine des dérives sectaires. La Mission interministérielle étudie également les possibilités éventuelles d’affiner ou de consolider les dispositions législatives et réglementaires existantes en vue de freiner la prolifération de PNCAVT dangereuses, voire illégales, et de mieux détecter et contrôler les organismes.

Pour en savoir plus : consultez le Rapport Annuel 2010, pages 157 à 197.

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