L’enfant cible

« En réponse à une interrogation du président, M. Georges Fenech, portant sur le nombre d'enfants concernés par les mouvements à caractère sectaire, M. Emmanuel Jancovici, chargé de mission pour la coordination, la prévention et le traitement des dérives sectaires au ministère de la santé et des solidarités, a indiqué : « Le total est, au minimum, de 60 000 à 80 000 enfants élevés dans un contexte sectaire. Les statistiques ne permettent pas d'être plus précis. Par prudence, je préfère parler de plusieurs dizaines de milliers d'enfants. C'est un chiffre considérable. » »

Rapport de la Commission d’enquête parlementaire, L’enfance volée, Les mineurs victimes des sectes

Le centre névralgique d’une dérive sectaire étant l’emprise mentale, il va de soi que les mineurs, en quête d’eux-mêmes et confiants dans le discours des adultes, en sont des cibles privilégiées : tout d’abord parce qu’ils sont faciles à convaincre, ensuite parce qu’ils constituent l’avenir d’un mouvement, ses germes futurs. L’enfant permet d’assurer l’avenir du mouvement : formé tout petit dans le discours du groupe, il sera à l’âge adulte un adepte convaincu ; mais il est également le vecteur par lequel les adultes vont adhérer au mouvement, en servant d’appât, d’enjeu ou, en étant lui-même propagandiste du mouvement, cherchant à influencer la société selon ses préceptes et présentant de lui une image jeune.

La situation des mineurs face aux dérives sectaires ne recouvre pas une seule et unique réalité qu’il serait aisé d’identifier mais relève au contraire d’une multiplicité de circonstances qui doivent être appréhendées dans leur singularité. Il est cependant possible de distinguer trois types de situations où l’enfant peut se voir confronté à un risque de dérive sectaire :

L’enfant de parents adeptes

Lorsque l’enfant naît dans une famille dont les parents sont des adeptes ou le deviennent pendant sa petite enfance, il se trouve immergé très tôt dans le « bain » des pratiques et des croyances, adhérant presque naturellement, par imitation d’abord puis par conviction, aux comportements de ses parents. Cette situation peut conduire à un enfermement, symbolique ou effectif, au sein du seul cercle familial ou parfois au sein de communautés fermées. Ses uniques fréquentations seront la plupart du temps d’autres enfants d’adeptes, à l’exclusion du monde environnant présenté comme néfaste ou « impur ».

L’enfant pris en charge par un praticien

Lorsque les parents, soucieux du devenir de l’enfant et inquiets pour sa santé ou son développement, décident de consulter un praticien, celui-ci peut, dans l’intimité de la consultation, entamer un travail de persuasion vis-à-vis de l’enfant puis des parents qui sont en situation de fragilité vis-à-vis des difficultés rencontrées par leur enfant. L’enfant devient alors la porte d’entrée du mouvement dans la famille.

L’adolescent séduit par un discours alternatif et absolu

Dans l’adolescence, le mineur, dans son désir de transgression et de liberté, peut être approché et séduit par des discours absolus et alternatifs relayés par des mouvements qui revendiquent en apparence des idéaux de progrès et de solidarité mais qui, dans leur fonctionnement, visent en fait une captation des esprits et des biens. Ce type d’emprise peut occasionner chez l’adolescent ou le jeune adulte des comportements violents vis-à-vis de lui-même ou des autres, voire le conduire à rompre tout lien avec sa famille.

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